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Le Bureau des Sabotages
29 décembre 2009

Bill Evans au Village VANGUARD

une invitation à la sortie du corps vers un ailleurs rêvé, Tel est ce très grand classique qu’est ce live au Village Vanguard de New York où Bill Evans, le pianiste le plus fin et le plus sensible qu’ait jamais connu le Jazz se livre avec son plus célèbre trio à une exploration fragile et sensible de standards ou de pièces de sa composition.
Au milieu des toussotements, des verres brisés, on croirait presque entendre le frottement délicat de la fumée des cigarettes de ceux qui ,ce soir là, vécurent une expérience presque religieuse car les sommets qu’atteignirent les trois hommes relèvent de la mystique avec dans le rôle de Saint Jean de la Croix Bill Evans et la nuit noire de ses silences et de ses accords plaqués sur un piano qui semble en quête de lumière.
Bill, soutenu , tiré , hissé vers ces cimes là par la contrebasse de Scott Lafaro , le plus révolutionnaire de tous, comme un chant , un grondement qui s’envole, dessine des esquisses , explore en solitaire une nouvelle façon d’envisager l’instrument détaché du rôle rythmique ,naviguant en eaux troubles ,croisant par moment le ruissellements des hoquets syncopés de Piano. Avec derrière tout ça, un grand architecte de la batterie, Paul Motian et la soie du feulement de ses balais caressant la peau des drums, heurtant les cymbales avec une rythmique d’argent, alternant en alchimiste avec l’or des silences des autres protagonistes de ce grand œuvre au rouge fusion et au noir de deuil.
Car cette musique n’est pas gaie , habitée par le fragile chant de ceux que la vie a blessé et à qui elle ne laissera pas le temps de guérir(LaFaro mourra à 24 ans), en témoigne la prière amoureuse de « Waltz for Debby », les jardins suspendus de « Jade Visions » ou le funk tragique de « Milestones ».
Ecouter ce « Village Vanguard », c’est toucher du doigt ce qui fait l’essence de cette musique , ce rire au milieu des larmes , cette inquiétude au cœur du rythme , cette fumée légère qui s’envole de lèvres amoureuses, ce soupir bleuté qu’est le jazz .

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